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La résolution de la vente en viager pour défaut de paiement de la rente

 

La vente en viager, également appelée vente moyennant rente viagère, est le contrat par lequel une personne vend un bien à une autre personne, à charge pour cette dernière de verser périodiquement à la première, pendant toute sa vie, une certaine somme d'argent, appelée rente viagère.

En droit commun des contrats, lorsque le débiteur n'exécute pas ses obligations, le créancier est, en principe, en droit de demander soit l'exécution en nature de cette obligation, soit la résolution du contrat.

En matière de vente d'immeuble moyennant rente viagère, l'article 1978 du Code civil déroge à cette règle puisqu'il prévoit que « le seul défaut de payement des arrérages de la rente n'autorise point celui en faveur de qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné, il n'a que le droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur, et de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages ». Seule l'exécution forcée reste donc possible pour le créancier de la rente.

Cette règle trouve sa justification dans le caractère aléatoire du contrat de vente en viager. Le retour au pristin ( antérieur) état est, en effet, impossible puisqu'une partie des chances de gain ou de perte est déjà connue.

La résolution reste toutefois possible à titre de sanction d'un manquement autre que le non-paiement de la rente, tel que pour sanctionner le refus du vendeur de procéder à la passation de l'acte authentique de vente.

L'article 1978 du Code civil n'est cependant pas d'ordre public. Les parties peuvent donc insérer dans le contrat une clause prévoyant que le crédirentier a le droit de demander la résolution de la vente viagère en cas de non-paiement des arriérés de la rente ou d'une partie d'entre eux. Elles peuvent également prévoir que la résolution se fera de plein droit en cas de défaut de paiement.

A défaut de prévoir que la résolution opérera de plein droit, celle-ci restera régie par les alinéas 2 et 3 de l'article 1884 du Code civil. Il reviendra donc au juge d'apprécier si le manquement du débiteur présentait un degré de gravité suffisant pour justifier la résolution du contrat. Tel est le cas, par exemple, en cas de défaut de paiement de plusieurs arriérés de rente.

A contrario, lorsque le contrat contient un pacte commissoire exprès prévoyant la résolution de plein droit, le juge perd son pouvoir d'apprécier si le manquement contractuel était suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente.

L'usage du droit de résolution résultant d'un pacte commissoire exprès est cependant susceptible d'être constitutif d'un abus de droit lorsque le crédirentier retire de la résolution un avantage disproportionné par rapport à la charge corrélative du débirentier. A cet égard, les tribunaux ont considéré que, dans certaines circonstances, est constitutif d'un abus de droit la résolution qui entraîne le droit pour le crédirentier de conserver les arrérages perçus et également le bénéfice de la restitution de l'objet de la vente.

En principe, la résolution entraine le retour en pristin état, ce qui implique que les parties restituent ce qu'elles ont perçu en vertu du contrat. L'acheteur (débirentier) est donc en principe tenu de rendre l'immeuble et le vendeur (crédirentier) doit rembourser la totalité des rentes perçues.

Pour éviter cela, la plupart des contrats de vente en rente viagère contiennent une clause qui permet au crédirentier de conserver, à titre de dommages et intérêts, les arrérages déjà payés ou courus. Il s'agit d'une clause pénale qui est, en principe, licite. Le débirentier pourra toutefois demander au juge la réduction de cette clause pénale lorsque celle-ci parait excessive, c'est-dire lorsqu'il apparaît que le crédirentier retirerait un bénéfice hors de proportion.

Précisons enfin que le crédirentier qui, pendant de nombreuses années, omettrait de réclamer le paiement des rentes viagères dont le débiteur lui est redevable, pourrait être privé par le juge de son droit à demander la résolution de la vente. En effet, dans ce cas, le comportement du crédirentier pourrait être considéré comme constitutif d'un abus de droit devant être sanctionné par la privation du droit de demander la résolution du contrat de vente en rente viagère.

Source : Lexalert – Actualité du droit belge