Les infractions urbanistiques
En Région wallonne, le maintien des actes et travaux qualifiés d’infraction non fondamentale perd son caractère délictueux dix ans après l’achèvement de ces actes et travaux, c’est la prescription instaurée par l’article D.VII.1 § 2 du CODT !
Cette prescription ne légalise toutefois pas les actes et travaux irrégulièrement réalisés. Bien que le maintien de ces actes et travaux ne constitue plus une infraction pénale, l’irrégularité dont ils restent entachés est telle qu’ils continuent à nécessiter un permis de régularisation... même si, ni le fonctionnaire délégué, ni la commune ne peuvent contraindre l’intéressé à introduire une telle demande de permis en régularisation.
À quelles « infractions » la prescription s’applique-t-elle ou encore, doit-on nécessairement disposer préalablement d’un permis d’urbanisme qui n’aurait pas été respecté pour entrer dans les conditions de l’infraction non fondamentale ?
L’article D.VII.1, §2, énumère trois conditions cumulatives et de stricte interprétation pour bénéficier de la prescription.
la première condition concerne le respect de critères en fonction du zonage du plan de secteur ;
la deuxième condition porte sur la conformité des actes et travaux aux normes du guide régionale d’urbanisme ;
la troisième condition exige que les actes et travaux en infraction correspondent à l’une des 4 hypothèses listées. Trois de ces 4 hypothèses (la 1ère, la 3ème et la 4ème) se rapportent nécessairement à un permis d’urbanisme qui a été préalablement délivré et qui n’a pas été respecté.
La première hypothèse requiert d’une part que les actes et travaux en infraction s’écartent d’un permis délivré sur au moins un des 7 critères ci-dessous (« i » à « vii ») et d’autre part, pour chaque critère, que l’écart soit inférieur à 20% par rapport au permis préalablement délivré.
i.l’emprise au sol autorisée ; ii. la hauteur sous corniche et au faîte du toit autorisée ; iii. la profondeur autorisée ; iv. la volumétrie autorisée ; v. la superficie de planchers autorisée ; vi. les cotes d’implantation des constructions ; vii. la dimension minimale ou maximale de la parcelle ;
Autrement dit, l’infraction peut « cumuler » les écarts par rapport aux critères « i » à « vii » pour autant que, pour chaque critère, l’écart n’excède pas les 20%.
La deuxième hypothèse vise la réalisation d’un auvent en extension d’un hangar agricole autorisé : dans ce cas, le hangar auquel l’auvent s’accole doit avoir été autorisé (donc le permis du hangar a été délivré et est respecté), mais l’auvent ne doit pas nécessairement avoir fait l’objet d’un permis.
La troisième hypothèse vise le non-respect des ouvertures autorisées ;
La quatrième hypothèse vise le non-respect des tonalités autorisées ;
Donc, une véranda non dispensée de permis et érigée sans permis, ne remplit pas les conditions précitées et son maintien sera toujours infractionnel...
De même, si un bâtiment existant a fait l’objet d’un permis d’urbanisme octroyé pour la division de l’immeuble en 10 logements et que suite aux travaux, réalisés il y a plus de 10 ans, 12 logements ont été créés au lieu des 10 autorisés... aucune des hypothèses de la troisième condition n’est remplie et la prescription ne sera pas acquise...
La réforme du Cobat, le code bruxellois de l’aménagement du territoire, prévoit que les actes et travaux illégaux seront prescrits après 10 ans... ce qui est nouveau !
La prescription ne concerne que les conséquences pénales liées à l’infraction. Cela ne signifie donc pas que les travaux réalisés sans permis demeurent administrativement irréguliers et qu’en conséquence :
• une demande de permis de régularisation reste nécessaire;
• l’application d’amendes administratives par le fonctionnaire sanctionnateur reste possible;
• l’obligation de remettre les lieux dans leur état antérieur à l’infraction pourrait toujours être imposée suite à un refus de permis pour les travaux réalisés en infraction.
Mais attention, le (futur) nouveau Cobat distingue deux types d’infractions urbanistiques:
• réaliser des travaux sans autorisation
• les maintenir "sciemment" (en connaissance de cause)
Les acquéreurs de bonne foi d’un bien grevé d’une infraction, et qui n’en étaient pas informés, ne sont donc plus soumis à sanction pénale mais... Ils deviennent toutefois sanctionnables s’ils ne mettent pas fin à l’infraction (dans un délai raisonnable) à partir du moment où ils en sont informés.
Tous les autres (ceux qui sont au courant de la situation infractionnelle du bien lors de l’acquisition), peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Cette infraction sera dépénalisée après une période de 10 ans, "qui prendra cours à compter de l’achèvement des travaux réalisés illégalement".
Mais attention: l’auteur des travaux illégaux et qui les maintient ne pourra pas bénéficier de ce délai de prescription.
Dans les deux régions, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué...
À suivre...
Sources: Légisconsult - Gilles TIJTGAT